4

Quelqu’un était dans la pièce et Sutton garda ses paupières closes, sa respiration lente.

Quelqu’un, dans la pièce, allait et venait tranquillement. S’arrêtant devant la fenêtre, se déplaçant pour regarder la fresque animée du ruisseau dans la forêt. Et dans le silence de la pièce, Sutton entendait le gai babil du ruisseau par-dessus le clapotis de la fontaine, entendait le chant léger des oiseaux dans les arbres peints, imaginait que même ainsi, de loin, il pouvait sentir l’odeur d’humus de la forêt et le parfum frais et humide de la mousse qui poussait au bord du ruisseau.

La personne qui était dans la pièce la retraversa et vint s’asseoir dans un fauteuil. Elle sifflota un petit air, presque imperceptiblement. Un petit air joyeux, rythmé, que Sutton n’avait jamais entendu.

Quelqu’un m’a examiné en détail, se dit Sutton. M’a d’abord, très vite, mis hors de combat avec un gaz ou une poudre, puis m’a examiné minutieusement. Il me semble en avoir quelques souvenirs… comme dans un brouillard très lointain. Des lumières qui brillaient et un sondage dans mon cerveau. Et j’aurais pu lutter contre cela mais je savais que cela n’en valait pas la peine. Et d’ailleurs grand bien leur fasse pour tout ce qu’ils ont trouvé. Il se congratula mentalement, satisfait de lui-même. Oui, grand bien leur fasse pour tout ce qu’ils ont pu tirer de mon esprit.

Mais ils n’ont trouvé que ce qu’ils pouvaient trouver et ils s’en sont allés. Ils ont laissé quelqu’un pour me surveiller et ce quelqu’un est encore dans la pièce.

Il remua sur le lit et ouvrit les yeux, mais à peine, et se composant à dessein un regard vague.

L’homme quitta son fauteuil et Sutton vit qu’il était vêtu de blanc. Il traversa la pièce et se pencha sur le lit.

— Ça va bien, maintenant ? demanda-t-il.

Sutton leva une main et la passa sur son visage, d’un air désorienté.

— Oui. Je crois que oui.

— Vous avez perdu connaissance, dit l’homme.

— Peut-être quelque chose que j’ai mangé, dit Sutton.

L’homme secoua la tête.

— Le voyage, plus que probablement. Il a dû être très dur.

— Oui, fit Sutton, très dur.

Vas-y, pensa-t-il. Vas-y, pose encore des questions. Ce sont les instructions que tu as reçues. Profite de ce que je suis encore mal remis, et tire de moi tout ce que tu pourras. Vas-y, pose des questions et gagne ton sale argent.

Mais il se trompait. L’homme se redressa.

— Je crois que cela ira très bien, dit-il. Si vous ressentiez quoi que ce soit, appelez-moi. Ma carte est sur la cheminée.

— Merci, docteur, dit Sutton.

Il le regarda traverser de nouveau la pièce, attendit d’entendre claquer la porte, puis s’assit sur le lit. Ses vêtements étaient en tas sur le plancher. Sa mallette ? Oui, elle était là, posée sur un fauteuil. Soigneusement fouillée, sans aucun doute, et tout son contenu probablement photocopié.

Et des rayons-espions, aussi, plus que vraisemblablement. Dans tout l’appartement. Des oreilles à l’écoute, des yeux aux aguets.

Mais qui ? se demanda-t-il. Personne ne savait qu’il revenait. Personne n’avait pu le savoir. Pas même Adams. Nul moyen de le savoir. Et nul moyen par lequel il aurait pu le leur faire savoir.

Bizarre.

Bizarre, la manière dont Davis, à l’astroport, avait reconnu son nom et lui avait raconté un mensonge en manière d’explication. Bizarre, la manière dont Ferdinand avait prétendu qu’on lui avait gardé son appartement pendant vingt ans. Bizarre aussi que Ferdinand se soit retourné et lui ait parlé comme si vingt ans n’étaient rien.

C’était organisé, se dit Sutton. Cela fonctionnait comme un système automatique. Bien réglé et qui m’attendait.

Mais pourquoi quelqu’un l’aurait-il attendu ? Personne ne savait quand il reviendrait. Ni s’il reviendrait jamais.

Et même si quelqu’un l’avait su, pourquoi se donner tant de mal ?

Car ils ne pouvaient pas savoir, pensa-t-il… Ils ne peuvent pas savoir ce que je détiens, ils ne peuvent même pas le deviner. Même s’ils savaient que je revenais, si incroyable que ce soit, il serait encore plus incroyable qu’ils sachent la véritable raison de mon retour.

Et s’ils la savaient, se dit-il, ils n’y croiraient pas.

Son regard tomba sur la mallette posée sur le fauteuil et la considéra.

Non, s’ils la savaient, se répéta-t-il, ils n’y croiraient pas.

Lorsqu’ils inspecteraient l’astronef, bien entendu, ils se poseraient des questions. Encore pourrait-il y avoir quelque explication à ce qui était arrivé. Mais ils n’avaient pas pris le temps d’inspecter l’astronef. Ils n’avaient pas attendu un instant. Ils me guettaient et m’ont manipulé dès la seconde où j’ai atterri.

Davis m’a poussé dans le téléporteur et s’est jeté sur son téléphone comme un fou. Et Ferdinand savait que j’arrivais, il savait qu’il me verrait quand il se retournerait. Et la fille, la fille aux yeux gris de granit ?

Sutton se leva et s’étira. Me baigner et me raser, d’abord, pensa-t-il. Puis des vêtements et un petit déjeuner. Et un coup de vidéophone ou deux.

N’agis pas comme si tu avais la frousse, se dit-il encore. Agis avec naturel, cure-toi le nez. Parle tout seul. Enlève-toi un point noir. Gratte-toi le dos contre le chambranle d’une porte. Agis comme si tu croyais être seul. Mais méfie-toi.

Quelqu’un te guette.

Dans le torrent des siècles
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